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Jean-Paul Curnier : La piraterie dans l’âme

La piraterie dans l’âme

Essai sur la démocratie
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Démocratie et piraterie : pourquoi un tel rapprochement contre-nature ? Parce que, répond Jean-Paul Curnier dans ce nouveau livre provocant, la démocratie a la piraterie dans l’âme, et cela, depuis ses origines jusqu’à nos jours.

Démocratie et piraterie : pourquoi un tel rapprochement ? On aurait plutôt tendance à penser que la piraterie, monde des hors-la-loi, du crime et du pillage, est à l’exact opposé de la démocratie qui incarnerait, elle, le triomphe du droit. Que font donc ici associés les représentants respectifs de la morale et de l’immoralité ?

On savait, depuis quelque temps déjà et par les historiens, qu’au xviiie siècle, époque de son apogée aux îles Caraïbes, la piraterie se dotait d’une forme d’organisation assez exemplaire de ce que nous mettons sous le mot démocratie. Ce seul point méritait que l’on réfléchisse plus avant sur le sens d’un emprunt aussi inattendu. Il fallait donc aller chercher plus loin la nature de cette association que dans la seule motivation des pirates : non plus du côté de la piraterie mais du côté de la démocratie cette fois-ci, de son histoire et de sa nature profonde.

L’argument qu’avance ce livre procède d’un renversement complet de nos habitudes de penser. Il tient en ceci : si la piraterie s’est faite si spontanément démocratique, c’est en réalité parce que c’est la démocratie qui a, en son essence, à voir avec la piraterie, avec la prédation et l’extorsion, et non l’inverse. C’est parce qu’elle a, en quelque sorte, la piraterie dans l’âme. Et cela, depuis ses origines jusqu’à nos jours.

La démocratie aurait donc partie liée, dès son origine, avec la prédation et l’exaction. Plus exactement, elle serait, dès l’origine, une forme d’organisation politique associée au pillage, à l’extorsion et au brigandage que, par ailleurs, elle condamne sans réserve. Et cela, parce qu’elle est fondée sur la fraternité c’est-à-dire sur l’égalité en titre de tous devant la responsabilité du crime, comme devant la jouissance des biens qui en résultent. En ce sens, elle se présente comme une forme d’organisation politique fondée sur la dépense et la dilapidation, et non sur l’épargne et la production. Du reste, la logique de production de la société industrielle qui s’y déploie, bien qu’étrangère à l’esprit démocratique, ne s’y développe qu’en raison d’un horizon de partage de l’abondance promise qui y prend le nom de « société de consommation ». À bien des égards, la société de consommation – en réalité de surproduction – est exactement ce qui répond au rêve de débauche dans l’abondance partagée qui soutient la démocratie. Quant au mode de production capitaliste qui s’y épanouit, celui-ci ne lui est pas parasitaire mais, tout au contraire, il est fait exactement à sa mesure.
Une telle assertion choquera peut-être. Aussi convient-il de lever un possible malentendu : il ne sera nullement question ici de critiquer quoi que ce soit ou de s’offusquer de tant d’immoralité ; c’est au lecteur qu’il appartiendra de se servir ou non de cet écrit pour approfondir ou modifier ses convictions. En réalité, ce livre — en quoi il est d’un moraliste aussi – serait plutôt de nature prophylactique, tant il est vrai que si l’on veut réaffirmer notre attachement à la démocratie, il convient d’abord de ne pas dénier ce qui, chez elle, n’est pas conforme à l’idéal qui en est présenté. Si la démocratie se fait des ennemis, rappelons-le, ce n’est pas du fait de l’ignorance, de la mauvaise foi ou de l’arriération des autres mais du fait des dégâts qu’elle engendre dans les autres formes de sociétés humaines.

Mais rien n’empêche, en ces temps de mondialisation où l’avenir politique des sociétés est à reconsidérer de fond en comble, d’envisager que voie le jour une forme de démocratie plus proche de l’idéal qui l’habite. Il ne serait pas inutile dans ce cas que l’on sache, ne serait-ce que pour mieux en assumer les conséquences, ce qui, de sa nature, reste caché dans la part d’ombre de son éclat.