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Fabien Revard : Tôt ou tard

Tôt ou tard

Politique de l’auto-stop
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Il fallait penser une fois l’auto-stop. Il fallait se fondre dans le mouvement qu’il génère, se couler en lui, s’unifier à la force qui le tire. Il fallait penser le voyage en auto-stop comme un tout, et un tout mouvant, en perpétuelle
recomposition. Il fallait porter sur l’auto-stop le regard que Bergson a porté sur la vie. Il fallait penser aussi la figure de l’auto-stoppeur, et ressaisir une fois pour toutes les motifs qui le transportent, de péages en rocades, de départementales en boulevards périphériques, de voies d’accélérations en aires de repos, de vieux bouges en relais routiers — pour une explosion à venir. Il fallait que ce qui se présente au premier regard comme un essai universitaire, ennuyeux et vain, soit en vérité tout autre chose, à la frontière entre le pamphlet politique, le livre de cuisine, le traité de guerre, l’autobiographie, le roman de gare et ces textes exubérants qu’on a attribués à de prétendus « fous littéraires » ; que ce qui se présente comme un dispensable guide du voyage alternatif soit en vérité un grand n’importe quoi où se croisent Mike Davis, Michel Sot, Sun Tzu et Pierre Bellemare, ou encore l’Ancien testament, le Guide du routard, le Journal du voleur et L’Horizon unanime ; une épopée homérique où les mots se confondent avec les berlines et le bitume, où les phrases fusionnent avec les entrées d’autoroute et les stations-service — et l’auto-stoppeur qui regarde les réseaux de l’Empire vaciller dans son sillage, tout à la fois vil et glorieux. Car de l’auto-stop, il fallait faire une fois le panégyrique.