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Ben Kafka : Le démon de l’écriture

Le démon de l’écriture

Pouvoirs et limites de la paperasse
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J’entends par "paperasse" l’ensemble des documents produits en réponse à une demande, réelle ou imaginaire, émanant de l’Etat. Dans sa plus simple expression, mon argument est que la paperasse est imprévisible, et que cette imprévisibilité est source de frustration : frustration pour ceux d’entre nous qui consacrent une partie de leur travail à rédiger des notes et à remplir des formulaires ; frustration pour ceux d’entre nous qui sont dans l’attente du tampon ou de la signature qui leur permettra de reprendre le cours normal de leur vie ; et, surtout, frustration de l’intellect, y compris de l’intellect des intellectuels.
En effet, la pensée politique moderne a été façonnée autant que déconcertée par ses confrontations avec la paperasse. Au lieu d’une théorie critique des "intermédiaires bureaucratiques", nous avons un mythe, ou plutôt un ensemble de mythes, autour de la bureaucratie et des bureaucrates. Tous ces mythes se révèlent étrangement consistants, au sens où il est étrange de constater à quel point ils sont consistants, mais aussi que cette consistance elle-même est étrange : facile à saisir, mais difficile à cerner.
Si, comme le veut un vieil adage, le mythe a pour fonction de procurer une solution imaginaire ou imaginative à une contradiction réelle, les mythes de la bureaucratie visent à surmonter non seulement les contradictions de la paperasse, mais celles de notre propre pensée. Il nous est impossible de réconcilier nos théories du pouvoir de l’Etat avec notre expérience de ses limites.